LA BOUTIQUE DIY

Pourquoi dans une boutique de musée on est capable d’acheter des objets parfois inutiles sous prétexte que la photo d’une peinture est imprimée dessus ? Parce que ces objets cumulent deux valeurs ajoutées : à la fois l’aura sacrée de l’œuvre d’art et l’intimité du souvenir de la visite.

Comment investir nos objets du quotidien d’une charge émotionnelle et intellectuelle comparable, qui pourrait nous pousser à ne pas les jeter, à les réparer ou à les consommer avec davantage de conscience ?

A l’heure de la société de consommation et de la surproduction, il est temps de réaliser ses propres goodies, dans son salon, dans des quantités très limitées et principalement sur des objets existants et de seconde main, pour redonner de la valeur à des objets qui n’en n’ont plus ou qui n’en ont jamais eu, en interrogeant leur fonction, pratique et symbolique.

L’imprimante, les papiers spéciaux, les cartouches d’encre et la presse à chaud dont tu auras parfois besoin, ne sont pas particulièrement écologiques mais parfois tu en as déjà parce que ça sert à autre chose, ou tu connais quelqu’un qui peut t’en prêter… Donc tu fais au mieux en fonction de ce que tu as sous la main (cette page par exemple, n’est pas écolo mais consomme peu de data grâce à son graphisme plus que rudimentaire)

Voici donc quelques idées pour ré-embellir ta vie et tes objets grâce à trois tableaux célèbres du Musée d’Orsay

L’Origine du monde, Gustave Courbet, 1866

TOM

Un Tapis de souris Origine du Monde. Pour scroller, cliquer et double cliquer au jeu de la chatte et de la souris. Un objet un brin désuet qu’on peut utiliser comme dessous de plat si on a plus de souris.

TUTORIEL

Tu achètes du papier à transfert pour tissus sombres et un tapis de souris noir, premier prix. Tu imprimes une reproduction de bonne qualité du tableau sur ton papier transfert. Tu coupes le papier pour l’adapter au tapis. Tu places un papier cuisson sur le tapis et le transfert et tu mets le tout sous une presse à chaud ou un gros fer à repasser pendant 2 minutes (en passant bien partout). Dès que tu penses que c’est bon, tu mets le tout sous deux gros livres très lourds (genre catalogues d’expo) car la chaleur fait gondoler le tapis. Au bout de 10 minutes tu retires les gros livres ainsi que le papier cuisson et la couche de protection du transfert. Et normalement tu as ton tapis. Mais en vrai je ne sais pas si avec un fer à repasser ça marche, j’ai toujours fait avec une petite presse à chaud.

ORIGINE FRANCE

Un magnet à découper en forme de carte des régions de France. La métaphore du corps de la femme est souvent employée pour qualifier La terre, et particulièrement quand il s’agit du territoire français. La Patrie, La Nation, La France est très féminine. L’historien Achille Mbembe en fait d’ailleurs l’analyse à propos de la perte de l’Alsace et de la Lorraine en 1870, vécue comme un « viol » par la population hexagonale, entrainant et justifiant un sursaut de virilité expansionniste à travers le déploiement colonial. La colonisation et son extrême violence pourraient ainsi se lire comme une décompensation post traumatique. L’agressé se sent alors légitimé dans sa mutation en agresseur sans borne. Aujourd’hui le fait de découper au cutter cette carte ne peut être un geste facile, tout comme la recomposition des régions administratives. Car les régions d’outre-mer, en marge du sexe originel, sont encore les conséquences bien vivantes de cette métaphore douteuse.

LE CARNET A DES SEINS.

Un carnet en liège aux pages vierges, prêt à se remplir de vos meilleurs croquis. Sans doute l’objet le plus délicat de la collection. Un jeu de mots facile mais qui nous aide à regarder autrement et prendre le temps de l’observation, tel un dessinateur au travail. Vous l’aviez déjà regardée dans les seins vous, l’Origine du Monde ?

T’AS TOUT

La cuisse of art. Un tatouage « G. Courbet » à faire sur la peau, au niveau de l’intérieur de la cuisse, sur le ventre, ou à peu près où l’on veut. Une manière de signer sa chatte comme une œuvre d’art et lui accorder de ce fait l’attention nécessaire. (ex : éclairage, restauration, prêts, horaires d’ouverture, entrée payante, réductions demandeurs d’emploi…)

Mon beau miroir. En prolongement ou comme une suggestion de présentation du tatoo : un petit miroir signé « G.Courbet » pour se regarder la chatte comme on regarde une œuvre d’art. Côté pratique, ce petit objet se tient dans la main et peut réellement aider lors d’une auto épilation, une auto-inspection médicale ou une masturbation avec stimulation scopique. Il est vendu avec ses petites accroches à coller pour une fixation murale.

FONDS DE POCHE

De vieux mouchoirs en tissus du début du 20e siècle, comme des goodies délavés récupérés dans les fonds de poche de mamie. Bien qu’en réalité ce produit dérivé old school n’aurait jamais pu exister. Car si l’Origine du Monde date de 1866 et qu’elle est exceptionnelle en tant que rare représentation de sexe féminin en gros plan dans la peinture classique française, elle n’est apparue au grand public que très récemment, lors de son exposition au musée d’Orsay à la fin du 20e siècle. Avant cela, le grand public ne l’avait jamais vue. Je me suis demandée ce que cela aurait changé si ma grand-mère avait vu l’Origine du Monde dans sa jeunesse ? Et plus globalement : quel aurait été mon monde si mes grands-mères avaient eu connaissance de tous les recoins de leurs chattes, si elles n’en avaient pas eu honte et si elles m’en avaient transmis les rudiments anatomiques comme on apprend à faire un ourlet ?

Les Glaneuses, Jean-François Millet, 1857

FREE GLUTEN.

Des pots en verre customisés à l’effigie des Glaneuses. On y voit trois femmes qui ramassent des épis de blé tombés au sol après le fauchage des paysans, au fond. C’était une pratique sociale répandue, où les femmes paysannes les plus pauvres étaient « autorisées » à venir récolter les restes, glaner les miettes. Loin d’un idéal bucolique, il s’agit d’une représentation de la misère et de l’extrême pauvreté. La composition et le coloris nous rendent l’image acceptable. Il n’y a pas particulièrement de commentaire, si ce n’est de nous dire que cela existe. Rendre le réel visible est une fonction importante de l’art, surtout lorsqu’il s’agit de mettre à jour des dominations. Mais comment utiliser cette image aujourd’hui alors qu’elle renvoie à une pratique du « glanage » agricole qui ne fait plus partie de notre quotidien ? Ce serait quoi les glaneuses aujourd’hui ? Peut être des mères de famille qui font la fin de marché pour ramasser les fruits et légumes, mais version gluten et super U, qui compteraient les pâtes avant de les mettre dans la casserole.

Olympia, Edouard Manet, 1863

EX VOTO ANARCHISTE

Des cierges de dévotions Chauffe plat et des cierges Chandelles, tels qu’on les trouve dans les lieux de pèlerinage chrétiens, sur lesquels figurent des citations de Louise Michel accompagnées du chat noir de l’Olympia, qui deviendra dans ces mêmes années, un symbole de l’Anarchisme. J’ai toujours été fascinée par la synchronicité des évènements. Par exemple : en 1863, tandis qu’à Lourdes des centaines de croyants se ruent autour d’une bergère de 19 ans qui frôle le burn out depuis qu’elle a vu la Vierge apparaitre dans une grotte 5 ans plus tôt, à Paris, Manet fait scandale avec les deux femmes de son Olympia et Louise Michel, une institutrice de 33 ans, découvre l’anarchisme politique. Comment autant de choses ont pu se passer en même temps ? Peut-on les raconter simultanément ?

PROPAGANDE PAR LE STICK.

Une série de stickers composés de citations de Louise Michel en bâtonnets et de petits chats noirs de l’Olympia. Ils sont à coller contre une vitre, du côté de la face imprimée, à destination des passants. Comme les vignettes sur les pare brises ou les messages d’accueil dans une vitrine, il s’agit de s’adresser à l’autre, de lui envoyer un message.

La « propagande par le fait » est une forme d’activisme utilisée par les anarchistes français à la fin du XIXe siècle pour faire entendre la nécessité de la lutte au plus grand nombre. Au-delà des mots, les actions de dégradations diverses et leurs répressions immédiates permettaient une mise en lumière évidente d’un contexte oppressif. La démarche, souvent extrême, est nourrie de désespoir mais nous force à nous interroger sur la notion de « stratégie ». Quelle communication pour la lutte ? Et si le prosélytisme n’était pas réservé qu’aux religieux et aux publicitaires ?